Des chercheurs de l'Institute for Environment and Human Security de l'Université des Nations unies (UNU-EHS) ont voulu étendre le concept de point de bascule, souvent évoqué pour parler des risques liés au climat changeant, afin de déterminer les conséquences qui pèsent sur nos systèmes si nos habitudes demeurent inchangées.
Tel que défini par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), un point de bascule climatique survient lorsqu'un système subit des perturbations, même mineures, qui viennent modifier son état de façon irréversible. Même si les facteurs qui ont mené à ce changement disparaissent, le système ne peut revenir à ce qu'il était initialement.
Si la calotte glaciaire du Groenland fond, le système s'en trouve fondamentalement modifié : on considère alors qu'il a atteint son point de bascule.
Bien que le phénomène d'un système passant d'un état à un autre ait été de tout temps observé dans l'histoire de l'humanité, les chercheurs sont préoccupés par la vitesse « sans précédent » à laquelle se produisent désormais ces changements.
La cible fixée par l'Accord de Paris en 2015, qui appelle les pays à mettre en œuvre des politiques pour limiter le réchauffement global de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, vise à atténuer les risques et les conséquences des changements climatiques. Franchir ce seuil pourrait déclencher plusieurs points de bascule, qui provoqueraient des effets en cascade.
Le même phénomène peut se produire pour d'autres types de systèmes; c'est pourquoi nous parlons plus largement de points de bascule du risque
, explique le Dr Jack O'Connor, auteur principal du rapport Interconnected Disaster Risks 2023, en entrevue à Radio-Canada.
Nous observons que le risque, s'il dépasse un certain seuil, peut nous mener à un nouvel état très différent du précédent et dont les conséquences peuvent être graves sur l'environnement et la sécurité humaine
, énonce le Dr O'Connor.
Comme nos systèmes sont intrinsèquement interconnectés, ce qui représente un risque pour l'un représente un risque pour tous les autres, résument les auteurs du rapport.
« Alors que nous extrayons sans discernement nos ressources en eau, que nous portons atteinte à la nature et à la biodiversité et que nous polluons la Terre et l'espace, nous nous rapprochons dangereusement de multiples points de bascule qui pourraient détruire les systèmes dont notre vie dépend. »
Plusieurs points de bascule ont déjà été franchis dans certaines régions du monde et se produiront à l'échelle de la planète si nous n'arrivons pas à limiter le réchauffement à 1,5 °C. Et la façon dont nous vivons, présentement, nous mène vers d'autres seuils qui mettent en péril, par exemple, nos systèmes alimentaires et nos ressources, ajoute le Dr O'Connor. Ceux-ci requièrent aussi notre attention.
D'après les chercheurs, ces six points de bascule du risque ont des causes et des moteurs communs, tous ancrés dans nos actions et nos comportements qui exercent une pression croissante sur nos systèmes jusqu'à les pousser au bord de l'effondrement
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